FICHE TECHNIQUE
Les murs dits « bouffants »
Les murs dits « bouffants »
Les deux textes qui suivent traitent d’un cas de désordre grave, qui est le bouffement : lorsque les deux parements sont désolidarisés.
Le premier texte qui suit est extrait du livre « Les maisons de Bretagne », est un point sur les inconvénients de la technique de l’injection de mortier ; il est signé de Hervé Even.
Le second expose une technique réparatrice ; il est extrait, avec l’aimable autorisation des éditions EDISUD, du livre « REHABILITATION – arts de bâtir traditionnels – connaissances techniques », par Jean Coignet.
Les injections de mortier
Cette technique consiste, après avoir tenté de les laver intérieurement, à injecter dans les murs creux un mortier de composition diverse, avec ou sans pression, afin d’en relier les deux parements.
Notons que les premières injections ont été faites au coulis de ciment, sous pression.
Elles sont maintenant abandonnées, voire même déconseillées par les prescripteurs qui ont en charge l’entretien du patrimoine.
De là à en conclure qu’elles étaient néfastes…!
Puis on est passé au coulis de ciment à faible pression ou gravitaire ; puis au coulis de chaux artificielle ou naturelle, à faible pression ou gravitaire. On note donc un retour en arrière dans la pratique.
Lorsqu’on analyse un mur susceptible de faire l’objet d’une injection, on observe les points suivants :
- c’est souvent un mur qui a « flambé », c’est-à-dire que les deux parements se sont désolidarisés, créant un vide dans le mur;
- de rongeurs se sont installés dans ces anfractuosités, y ont entraîné leurs provisions (balles d’avoine) et y ont laissé leurs déjections et même leurs squelettes;
- la terre et les petits éclats de pierre constituant le bourrage sont descendus au fond de l’enfractuosité;
- la fissure occasionnée a souvent la forme d’un fuseau : le mur étant tenu en partie basse par le sol et en partie haute par la poutraison, le milieu s’est ouvert davantage;
- les faces des pierres sont recouvertes d’une couche de poussière très fine sur laquelle l’eau glisse sans pénétrer.
Le lavage va entraîner une accumulation de balles et de déjections en partie basse. Même s’il est possible d’en enlever une partie, il est peu probable que l’on en enlève la totalité.
Il va contribuer à ôter la terre et le calage qui maintenaient encore le parement. Il ne pourra pas enlever la pellicule de poussière puisque l’eau roule sur cette poussière. Il exercera une certaine poussée sur les parements : la pression d’un liquide étant proportionnelle à sa hauteur, il va créer une surcharge sur un mur déjà fragile. Cette surcharge va se durcir et avoir la forme d’un coin, la forme du fuseau que crée la fissure, qui aura tendance à écarter encore les parements.
Pour pouvoir faire l’injection, on devra au préalable rendre étanche tous les joints, ce qui figera le mur en l’empêchant de respirer. Si l’on injecte de la chaux aérienne, elle mettre un temps fou à sécher, plusieurs mois, voire plusieurs années.
On peut donc dire que si les résultats positifs restent à prouver, les résultats négatifs, eux, sont évidents : surcharge et surcoût.
Les maisons de Bretagne, Hervé Even
Les bouffements
Il y a bouffement lorsque les deux parements du mur sont désolidarisés par une fissure intérieure au mur et parallèle à ses parements. Le bouffement est un cas grave et évolutif de flambage qui affaiblit considérablement la résistance du mur.
Technique réparatrice d’un bouffement
- Lorsque le bouffement se situe à la verticale d’une charge concentrée comme l’appui d’une poutre, il faut rapidement étayer la poutre, afin d’éviter le flambement et la rupture du parement porteur.
- Le deuxième étaiement va concerner le bouffement lui-même dont les limites sont « encadrées » par des planches de 34 mm d’épaisseur, posées symétriquement de part et d’autre du mur et liaisonnées par des tiges filetées, une à chaque extrémité traversant le mur avant la naissance de la déformation, serrées à leurs extrémités (tiges filetées n°1). Les planches vont réagir sur les parties du mur désolidarisées et exercer sur elles une pression convergente symétrique prévenant un risque d’extension du désordre et permettant d’engager la réparation. (voir schéma ci-dessous n°1)
Il faut alors résorber le plus possible le bombement des parements et pour y arriver, il faut vider la fissure intérieure des déchets de mortier qui encombrent sa partie basse : l’extraction soigneuse d’une pierre sur un parement en partie basse du bouffement permettra de retirer une partie importante des déchets internes. (voir schéma ci-dessous n°2) - La pose et le blocage des tiges filetées n° 2 va permettre de réduire encore l’ampleur du bouffement qui sera complètement « encadré » par la pose et le blocage des tiges filetées n° 3. Si le bombement est encore important, le cadre peut être complété par la pose de diagonales fixées sur les tiges filetées n° 1.
L’étaiement est alors en place et la réparation consiste essentiellement à mettre en oeuvre dans cette partie du mur des boutisses dont l’absence a autorisé le bouffement. Les boutisses vont être coulées en béton dans les percements traversant le mur de part en part (section du percement : une pierre). (voir schéma ci-dessous n°3) - Toutefois, pour que le béton ne coule pas dans l’interstice entre les deux parements, les joints intérieurs seront préalablement colmatés avec du plâtre.
- La pose de 2 boutisses pour 3 m² (une boutisse tous les 80 cm) semble suffisante pour prévenir un nouveau désordre. Les boutisses doivent être réalisées en 2 fois afin d’éviter d’aggraver la décohésion des parements : une première intervention permet de réaliser un percement de boutisse sur deux ; après coulage de ces premières boutisses, attendre une semaine pour percer les emplacements des secondes.
- Après dépose de l’encadrement, les joints seront refouillés et l’enduit de dégrossissage dosé à 350 kg de ciment bien fouetté en fonds des joints.
Tiez Breiz ne préconise pas ce type de finition ; se reporter à la fiche technique sur les enduits
REHABILITATION – arts de bâtir traditionnels – connaissances techniques, Jean Coignet.
Schéma 1
Schéma 2
Schéma 3