FICHE TECHNIQUE

Les enduits et bétons de chanvre

Généralités

Un enduit est une réalisation très technique lorsque l’on souhaite un résultat esthétique et performant techniquement. Cette fiche  n’est pas exhaustive et comprends juste des informations de bases. Elle ne remplacera jamais une formation mais permet juste d’appréhender cette technique. TIEZ BREIZ organise régulièrement le stage  » Utilisation du chanvre en réhabilitation », consulter le calendrier …

contributeurs : Hervé Even, Olivier Roger, François Vaure, Christian Gérard, Louis Castric.

Définition

Les végétaux ont toujours été utilisés dans la construction, sauf le chanvre. Avant l’industrialisation du défibrage, la tige subissait une phase de rouissage qui consistait à laisser la chènevotte se décomposer dans les ruisseaux pour faciliter la séparation de la fibre de la tige. Donc cette partie de la plante n’était utilisable que sous forme de compost. La fibre était trop précieuse pour qu ‘elle soit mise en œuvre dans la construction.

La tige du chanvre se décompose en 2  :

  • la fibre, formant l’écorce de la plante, utilisée pour les laines, les tissus et les cordages
  • le bois ou chènevotte, utilisée en vrac ou dans les bétons.

La chènevotte est constituée de nombreux canaux renfermant de l’air lorsque la tige est sèche et qui régule fortement l’humidité de l’air ambiant à l’intérieur d’une habitation.

Les bétons et les mortiers de chanvre sont composés de granulats de chanvre mélangés avec des  liants composés de chaux naturelle. Le choix du liant est primordial afin d’assurer la cohésion du matériau, la chènevotte ayant la particularité de capter 5 fois son poids d’eau lors du gâchage, et cela peut empêcher le liant de faire sa prise parce ce qu’il manquera d’eau et on aura alors un phénomène de farinage  à cœur constaté systématiquement lorsque le liant n’arrive pas à faire sa prise.

Applications

Ces mélanges sont utilisés dans le bâti neuf pour réaliser :

  • dalles, murs et toiture sous forme de béton léger, non porteur mais structurant, en remplissage d’ossature.

Dans le bâti ancien, ils sont utilisés :

  • en enduits intérieurs sur les murs existants, ils apportent un confort remarquable.
  •  en plancher d’étage, ils permettent de rattraper les niveaux (ravoirage) et peuvent participer à la recherche d’isolation thermique, acoustique ou phonique,
  • en béton léger sous toiture pour les conforts d’hiver et d’été .

L’utilisation d’un enduit chanvre sur un mur extérieur n’est pas pertinente, car outre l’isolation thermique moyenne apportée, cette solution n’exploite pas les autres caractéristiques liées au confort qu’apporte cette solution à l’intérieur, en particulier l’effusivité (rapidité avec laquelle la température superficielle d’un matériau se réchauffe), et plus particulièrement la production naturelle et permanente de calories liée au phénomène complexe d’adsorption / désorption. Il ne faut pas non plus négliger le confort acoustique qui apporte une qualité de vie sans équivalent. Un autre avantage majeur des enduits chaux chanvre, surtout dans le bâti ancien, réside dans leur capacité à réguler l’hygrométrie intérieure apportant ainsi un grand confort.

La notion de confort n’est pas encore définie de façon scientifique. Elle est directement liée à l’absence de courant d’air, au taux d’humidité, aux matériaux, leur surface et leur couleur…

Se reporter à la fiche technique  » L’isolation thermique « .

Caractéristiques

Contrairement à une idée bien établie, le chanvre, avec un coefficient λ (conductivité thermique) de l’ordre de 0,067 dans un béton de chaux, peut être considéré isolant thermique performant
Ainsi, les réalisations en chanvre constituent une excellente solution pour l’isolation et pour l’inertie thermique, assurant aussi bien le confort d’hiver que celui de l’été. En fonction des proportions de chaux et de la mise en œuvre, sa masse volumique (densité) est comprise entre 210 et 1000 kg/m³ ; On peut ainsi établir la perméance (capacité de respiration) des bétons et mortiers de chanvre  assurent une ambiance intérieure très saine et une exceptionnelle régulation hygrométrique.

À noter enfin, pour les personnes électrosensibles, qu’un enduit à base de chanvre permet d’éliminer en partie, le rayonnement électro-magnétiques des fils électriques noyés sous l’enduit et dispense donc de l’utilisation de gaines blindées.

Les liants

Les chaux et certains ciments naturels sont utilisés comme liants du chanvre qu’ils agglomèrent. Le liant utilisé et son dosage influent directement sur les performances du mortier ou du béton réalisé. La problématique liée au risque de farinage peut entraîner des sinistres graves. Un surdosage améliore les caractéristiques mécaniques et influe en même temps sur les caractéristiques liées au confort, mais la gestion de l’eau et le choix de liants appropriés est essentiel. La chaux possède une action fongicide et assainissante.

Les différents types de chaux utilisées dans les mortiers chanvre et chaux sont les suivants :

  • les chaux aériennes (CL, DL),
  • les chaux hydrauliques naturelles (NHL),
  • les chaux préformulées (FL),

A noter que « FL » n’est pas une appellation encore normalisée ; cependant c’est ce sigle qui sera utilisé dans la suite de cette fiche. Ces chaux sont des mélanges de chaux aériennes, hydrauliques naturelles et de pouzzolane, d’argile…

  • les chaux additionnées (NHL-Z) et les chaux recomposées (HL). Ce sont des chaux hydrauliques naturelles (NHL) auxquelles sont additionnées, après cuisson, jusqu’à 20% de divers matériaux parfois du ciment.

À retenir : les chaux et ciments hydrauliques non naturels (HL, NHL-Z), étant cuites à des températures élevées ne sont pas compatibles avec le chanvre (ni d’une façon générale avec le bâti ancien).

Attention, certains liants sont agréés pour être utilisés avec le chanvre, et d’autres non. N’en déduisez pas qu’il faille écarter systématiquement celles qui ne le sont pas, mais le risque de désordres et les difficultés de maîtriser les applications et les mises en œuvre sont établis. Pour un professionnel, l’obtention d’une garantie décennale est soumise à l’utilisation de liants validés avec une chènevotte labellisée.

Consultez le site Construire en chanvre pour connaître les règles et techniques de construction.

Épaisseur d’un enduit

L’isolation thermique et la gestion hygrothermique ne sont peut être pas proportionnels à l’épaisseur, mais relève d’une fonction logarithmique de l’épaisseur : les premiers cm d’épaisseur comptent beaucoup plus que les derniers.Il n’est donc pas raisonnable d’envisager un enduit chanvre de trop forte épaisseur. D’autant que dans ce cas, l’enduit devra être banché (coffré), ce qui conduit à un résultat inadapté esthétiquement au bâti ancien.
Lorsque ce sont les qualités surfaciques du chanvre (perméance, effusivité) qui sont recherchées, alors l’épaisseur de l’enduit a peu d’importance.
Au final, un enduit chanvre de 3 à 8 cm d’épaisseur remplit parfaitement son office.

 

Finitions d’un enduit

Un enduit chanvre peut recevoir un grand nombre de types de finitions :

  • chanvre fin et chaux (il existe différentes granulométries de chanvre labellisé),
  • sable et chaux,
  • terre fibrée, ( l’argile accentue fortement les performances du chanvre  )
  • badigeon à la chaux,

Il est naturellement possible de combiner ces solutions, à la couleur de son inspiration !

Il faut être conscient qu’un état de surface lisse et dur diminue obligatoirement les qualités surfaciques et acoustiques qui participent au confort. Cela peut poser un problème car l’aspect et le contact d’un enduit chanvre juste taloché sont rugueux, mais un léger ponçage à sec améliore l’aspect. On peut optimiser la finition par un resserrage à la truelle pendant que l’enduit est encore plastique. La terre fibrée constitue une excellente solution en matière de perméabilité, d’acoustique et de température surfacique.

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Mise en œuvre

Attention : la chaux, même éteinte, brûle les yeux, et altère la capacité sensitive des mains. Travaillez avec des lunettes, et ne manipulez pas la chaux avec les mains. Ayez toujours à proximité un pulvérisateur d’eau pour pouvoir vous rincer – en douceur – l’œil en cas de projection dans les yeux !

Conditions météorologiques

L’obtention d’un mortier à projeter en enduit nécessite de ne travailler que par temps doux (pas en dessous de 10°C) et sans vent. Le cas échéant, il ne faut pas hésiter à :

  • mettre la bétonnière dans un abri, un garage,
  • utiliser un peu d’eau chaude dans la préparation du mortier,
  • utiliser une chaux préformulée (FL).

Préparation du mur

Le chanvre étant une fibre végétale il est indispensable d’avoir préalablement réglé tous les problèmes d’humidité (drainage, gestion des complexes de sols, pose préalable d’enduits régulateurs …).
Un enduit chanvre et chaux doit être appliqué sur un support sain, exempt de poussières, et très largement mouillé la veille (à saturation) et sur un gobetis frais du jour.

Réalisation du mortier

Selon que l’on met en œuvre des liants naturels (CL et NHL) ou préformulés (FL), le mélange sera respectivement réalisé la veille puis rebrassé le lendemain, ou le jour même. Un mortier pour un enduit à projeter est assez délicat à réaliser, car il faut arriver à obtenir un mortier très léger et aérien, façon mousse Chantilly, faute de quoi, le mortier s’applique mal sur le mur et retombe à terre… On appelle cela une émulsion. L’obtention d’une bonne émulsion demande du temps et de l’expérience, car de nombreux facteurs rentrent en jeu.

La truelle rentre dans le mortier sans résistance. L’émulsion est caractérisée par un grand nombre de micro-bulles stables, qui n’éclatent pas avant 30 s après prélèvement de l’échantillon dans la bétonnière.

L’ordre d’introduction dans la bétonnière est le même ; attendre avant d’introduire le chanvre que la chaux soit bien mélangée à l’eau. Introduire le chanvre progressivement, puis laisser tourner 5 à 6 mn, voire plus. La vitesse de rotation de la bétonnière a aussi une influence : au début il est préférable de tourner lentement, puis accélérer peut aider. Vérifiez que tout est mélangé de façon homogène, ainsi une bétonnière de forme oblongue peut obliger à relever de temps à autre la gueule pour que le mortier en périphérie repasse au centre.

La difficulté consiste alors à obtenir l’émulsion, voici quelques cas de figure rencontrés :

  • l’émulsion ne se forme pas, le mélange reste « sec » : il se peut que des boulettes se forment, rajouter de l’eau, mais pas trop. Si trop d’eau, rajouter ensuite 2 ou 3 poignées de chaux, une fois l’émulsion formée.
  • il se forme une émulsion qui ne tient pas (les petites bulles éclatent tout de suite) : il y a trop d’eau, rajouter 2 ou 3 poignées de chaux. Ou bien déversez la moitié du mortier dans une brouette puis introduire progressivement du mortier plus sec, typiquement celui récolté au pied des murs.
  •  l’émulsion ne se forme pas et pourtant il y a assez d’eau : les conditions météorologiques sont probablement en cause : le froid, le vent. Utilisez un peu d’eau chaude, un peu de savon liquide… ou bien reportez le chantier !

Il est préférable de respecter les proportions préconisées par les fabricants .

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Les micros-bulles

Zoom de l’image ci-dessous qui montre ces micro-bulles :

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Application

La projection de l’émulsion demande un travail d’apprentissage du geste, qui n’est pas si difficile, il demande un peu de force et de volonté. L’adresse viendra progressivement ! La truelle doit être propre pour que le mortier se décolle sans difficulté, de grande taille et bien à votre main.  Le mortier peut être rebattu sur la taloche juste avant la projection. Ne pas chercher à remettre le mortier tombé à terre dans l’auge, il sera recyclé dans la prochaine bétonnière (ou bien celle en cours si le mortier en préparation est trop liquide par exemple). Portez des lunettes pour protéger vos yeux, car vous n’êtes pas à l’abri de giclages intempestifs malgré toute l’adresse que vous déployez !

Après projection d’une certaine quantité de mortier, il faut rapidement l’étaler sur le mur, dans un mouvement vertical, avec la taloche. Celle-ci doit être tenue fermement en écartant légèrement la partie supérieure, pour ne pas entraîner tout le mortier, mais bien pour l’étaler et sans le serrer. Le but est d’obtenir une planéité localisée, vous pouvez utiliser une plinthe de bois d’1m20 maximum pour vérifier cette planéité. Il faut, à tout prix, éviter l’effet « tôle ondulée » très disgracieux. Il est indispensable de bien réaliser cette étape pour garantir une finition facile à poser et réussie, si la finition est trop irrégulière l’enduit risque de fissurer.

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