FICHE TECHNIQUE
Les murs de pierre
Les murs de pierres
Le texte qui suit est extrait du livre «Les maisons de Bretagne», et est signé de Hervé Even ; les illustrations sont de Fons de Kort.
NB : ce qui suit n’a en aucun cas la prétention de montrer ou dire comment construire un mur mais d’expliquer simplement quelques principes.
La diversité des matériaux, des mises en oeuvre et des situations étant l’une des caractéristiques du bâti en Bretagne, il est évident que chaque mur est particulier. Toute intervention dans la maçonnerie ne doit donc être décidée qu’après un examen méticuleux de son état et après mûre réflexion.
Disons d’emblée qu’un mur de moellons devient un simple tas de cailloux, là où il était pour ainsi dire l’œuvre d’art d’un maçon, et il est presque impossible à remonter une fois mis par terre. Sa démolition ne doit donc se faire que s’il n’y a vraiment aucune autre solution.
Il faut savoir aussi qu’un air penché ou un léger ventre n’est pas synonyme de catastrophe, et que la solidité du mur est fonction de la verticale appliquée au centre de gravité par rapport à la base, de son épaisseur, de la liaison de ses éléments et de la solidité de l’ensemble des éléments de la construction.
Si une reprise de mur en pierre s’avère malgré tout nécessaire, il faut utiliser de préférence le même matériau, dans les mêmes dimensions, avec des joints de même épaisseur que ceux d’origine, avec un mortier de pause en retrait du mur pour recevoir une finition identique au reste de la façade ancienne.
Si c’est un mur de pierre sèche, la remise en état demande encore plus d’attention, vu l’ancienneté dont il est le témoignage et le fait qu’il réclame une technique très sûre, puisque sans liant, sa solidité dépend de l’équilibre entre les pierres et d’un calage extrêmement soigneux.
S’il s’agit de mettre au jour un mur adossé, il faut le dégager assez loin afin que les engins de terrassement n’accrochent pas des pierres, à cheval entre le mur et la terre. Il faut s’assurer que l’absence de la terre où s’appuyait le mur ne compromet pas la solidité de l’édifice et il faut protéger cette partie de mur qui est maintenant exposée aux intempéries.
Les ventres, fissures et affaissements peuvent être causés :
- par l’eau qui s’infiltre (par le haut, latéralement, par remontées, par des installations défectueuses),
- par une mauvaise répartition des charges (toiture mal conçue ou mal transformée [exemple : un entrait repoussé trop haut], charges d’exploitation [exemple : coulage d’une dalle à l’étage],
- par un affaissement du sol (dû à l’hétérogénéité du sol dès l’origine, à des modifications importantes de l’environnement immédiat),
- par la modification de la teneur en eau du mur (causée par des années de sécheresse consécutives, des enduits hydrofuges, des inondations, des isolations extérieures), enfin,
- par la présence excessive de végétation ou de faune.
Déterminer les causes des désordres est par conséquent impératif afin d’y apporter le remède qui convient.
La construction d’un mur de briques s’apparente à celle d’un mur de moellons. Les éléments manufacturés en facilitent l’appareillage et en limitent les désordres. Certaines briques de moins bonne qualité peuvent cependant s’effriter et nécessiter d’être remplacées. Il faut surtout veiller à préserver à tout prix l’élément décoratif, quelquefois précieux, que ce matériau a permis d’obtenir.
Des murs en calcaire tendre, souvent en tuffeau, il est difficile de faire une synthèse tant les types de pierres sont différents et avec eux les techniques de mise en œuvre. Chaque carrière a une pierre sensiblement, voire fondamentalement différente ; or on recense plus de mille carrières ayant fourni de la pierre pour la Bretagne. La plupart des gens se représentent le calcaire comme une pierre très tendre, donc très friable, mais il ne faut pas perdre de vue que les marbres sont des calcaires et donc des pierres très dures, puisqu’ils peuvent prendre le poli.
Les techniques utilisées sont :
- des murs en pierre de taille sur toute l’épaisseur,
- des murs avec parement en pierre de taille et intérieur en moellons,
- une ossature composée de chaînes d’angle, bandeaux, entourages d’ouvertures en pierres de taille et remplissage en moellons,
- des murs avec pierres et briques de terre cuite alternées,
- ou des murs de faible épaisseur en carreaux de pierre tendre servant de séparation entre les pièces.
Généralement, différentes qualités de pierres étaient utilisées selon la fonction de la partie de l’ouvrage. Ainsi, les pierres demi-dures étaient utilisées pour les bandeaux et les jambages, les pierres froides, très dures, pour les parties en rejaillissement, les pierres non gélives pour les parties très exposées aux intempéries, et les pierres tendres pour les tapisseries en remplissage. Sachant que la pluie pénètre assez profondément dans le tuffeau, qu’elle s’écoule verticalement jusqu’au sol et que tout ce qui pourrait entraver ce cheminement serait une faute grave, aucune pierre ne doit s’interposer dans le remplissage.
Quelques règles de construction restent communes à tous ces types de pierre. Ainsi, à la sortie de la carrière, la pierre doit être ressuyée, c’est-à-dire déchargée de son eau de carrière. Il faut utiliser des pierres compatibles entre elles et employer un mortier de construction approprié, comme un mortier de chaux aérienne, mais rien ne saurait remplacer la terre de nos anciens qui nous ont fait parvenir des murs plusieurs fois centenaires. Sur les parties horizontales exposées aux intempéries, une pièce de plomb ou de zinc doit protéger les parties les plus tendres.
Enfin, toutes ces pierres s’auto-protègent. Beaucoup durcissent au contact de l’air, et la majorité se couvre d’une couche de calcin, pellicule cristallisée, sorte de peau qui devient une protection naturelle qu’il importe de ne pas détruire. Certains ravalements, trop agressifs, tel que sablage ou lavage à trop haute pression, sont plus néfastes que positifs pour la conservation de ces ouvrages.
Moellons assisés
Opus incertum
Appareil régulier, opus quadratum
Appareil irrégulier
Panneresse
Les parpaings sont les pierres en saillie, qui traversent le mur de part en part, assurant ainsi la cohésion des deux parements.
Boutisses
Ce qu’il ne faut pas faire !
Toute pierre doit regarder le sol, afin d’assurer le meilleur « lit d’attente » pour accueillir celle de dessus.
La pierre » qui regarde le soleil » provoque des infiltrations au lieu de faire goutter les eaux de ruissellement vers l’extérieur.
Ce qu’il ne faut pas faire !
Le coup de sabre n’assure pas une tenue au mur !
Ce qu’il ne faut pas faire !
La pose en délit …
Un condensé de tout ce qu’il faut éviter !…
Schéma de Gérard Dupont.